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mercredi 21 mars 2018

Refuges sort en poche


Aujourd'hui 21 mars, 3 ans après sa sortie, Refuges (Casterman) est disponible en poche ! 
Je suis heureuse du succès que rencontre ce roman, les dialogues et les débats qu'il suscite dans les classes qui l'étudient. 

L'action commence par la conscience. C'était le seul objectif que je m'étais fixée, à une époque où le traitement médiatique de la "crise des migrants" était surtout statistique. Dire, informer, montrer leur réalité, les raisons pour lesquelles ces gens fuient leur pays, pays dans lequel on aurait pu naître si on n'avait pas été plus chanceux qu'eux au loto de la géographie. Je ne regrette aucune seconde des longs mois que j'ai passés à me documenter sur le sujet. 

Alors bien sûr qu'on ne va pas aller renverser un dictateur érythréen avec nos petits bras, pas plus qu'on ne va sauver de la noyade toutes ces familles ou leur offrir à tous et toutes un toit et un travail. Mais ce n'est pas parce qu'on ne peut pas tout faire qu'on ne peut rien faire, comme le comprend Mila dans ce roman. Et peut-être que ma manière à moi de me sentir utile était d'écrire à ce sujet. Ce qu'elle réalise aussi, en le transposant à sa situation personnelle, c'est que la seule manière de construire est de "Faire avec l’existant. Même avec le pourri, le moche, l’injuste. Même avec la mort, la maladie, la déception, l'absence. " 
Ce n'est pas toujours facile, mais on n'a pas vraiment le choix. 








    [...]
    La construction et l'écriture remarquables de ce roman apportent incontestablement une profondeur et une réflexion : huit voix d'adolescents d’Érythrée se mêlent au récit. Avec leurs rêves, leur parcours, leurs désillusions, leur espoir fou de rejoindre l'Europe. Une obsession. Le lecteur est happé de l'intérieur. Et c'est terrible. On a la gorge serrée de tant d'horreurs subies.

    Le tour de force de l'auteure est de ne pas pour autant minimiser le drame que traverse Mila. Au contraire. On est tous nés quelque part...On ne maîtrise pas cela. Chacun mène sa barque comme il peut. Au bout du chemin, il devrait toujours y avoir une main tendue pour aider celle ou celui qui en a besoin. Être humain, c'est d'abord cela...
    [...]http://www.melimelodelivres.fr/

      La revue de presse complète est ici 





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      - Il est de quelle couleur, ton T-shirt ?
      Melaota ne répond pas.
      - Il est de quelle couleur, bordel ?
      Meron la secoue comme un dattier. Meloata se laisse faire, on dirait une poupée, les yeux dans le vague de la nuit qui nous engourdit.
      Il fait si froid. Je n’ai jamais connu cette sensation dans mon pays. Des rivières glacées se figent doucement à l’intérieur de mes veines.
      Hier, Gebriel a bu de l’eau de mer. Il dit qu’on peut tenir encore longtemps, avec ça. Moi, j’ai failli gerber. J’ai jamais rien goûté de pareil.
      Si on avait pris un chalutier, on aurait eu la place d’emmener des poules. Leur sang aurait étanché nos soifs. Leur chair aurait calmé les spasmes de nos estomacs.
      Amanuel et Saafiya ne se quittent plus. Pelotonnés l’un contre l’autre, on dirait qu’ils n’ont jamais eu autant besoin l’un de l’autre. Moi aussi, j’ai envie de sentir la chaleur d’un corps. Moi aussi, j’ai besoin qu’on me touche.
      J’en crève, en fait. J’en crève. Et la mer qui continue de ricaner. 
      De temps à autres, Pietros jaillit de son silence. Il nous mitraille de « si » qui n’ont ni queue ni tête :  
      « Si on avait pris un avion, plutôt qu’un zodiac ? Ils naviguent plus vite, les avions, parce qu’ils n’ont pas d’ancre. Surtout les rouges. Les rouges, c’est les plus rapides, ils ont un gyrophare.
      Si on avait encore des pièces, pour la cabine téléphonique ? On appellerait un taxi.
      Si un ange nous apercevait et nous balançait des billets, des boulettes de viande, des passeports, des cierges, des pulls secs, du sirop d’hibiscus … ?
      Si on apercevait la Tour Eiffel ? Il parait qu’à Paris, on asperge les rues de parfum.
      Si on était né ailleurs ? »
      Et puis il retombe dans sa prostration hallucinée. Il se balance d’avant en arrière, comme pour se bercer lui-même. Comme Senay, le vieux soldat qui vivait à la sortie du village. Il avait perdu ses deux bras pendant la guerre d’Indépendance et le reste de ses dents après. Les gamins faisaient toujours un détour pour ne pas passer devant sa hutte.

      Gebriel souffle que chez lui, lorsqu’un enfant vient au monde, il est béni deux fois : une fois pour qu’il vive longtemps, une fois pour qu’il ait la chance d’aller en Europe.







      1 commentaire:

      Anne Loyer a dit…

      Super nouvelle pour un super roman ! :)