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vendredi 29 septembre 2017

la nouvelle Kumari




Népal : une fille de trois ans intronisée
nouvelle "déesse vivante"


C'est le titre d'un article, publié hier dans le journal Sud-Ouest.
Un article quasiment semblable à celui que j'ai lu il y a 8 ans, à ceci près que le visage de la petite fille était différent. 

Un article semblable à celui que l'on pourra lire dans 8 ou 10 ans, très certainement. 




Elle s'appelle Trishna Shakya et elle n'a que 3 ans






Tous les 8 à 10 ans, au Népal, une nouvelle petite fille est choisie pour incarner la Kumari royale de Katmandou. 
Conduite dans un palais alors qu'elle a à peine 3 ou 4 ans, elle y officiera en tant que statue vivante, sans parents ni enfants de son âge, sans aucun jeu ni distraction, jusqu'à ce que la première goutte de sang ne s'écoule de son corps.

Fascinante au premier abord, cette pratique millénaire est tragique. Sacrifiées sur l'autel de la tradition, ces petites filles sont utilisées comme des objets. L'incarnation de la déesse les détruit, tout simplement. Comment grandir sans le contact des autres enfants, sans l'apprentissage des gestes du quotidien ? Les pieds des Kumari ne doivent pas toucher le sol, on les lave, on les habille, on les fait manger. Elles sont tout mais ne font rien, . 
Et puis, brusquement, dès qu'elles sont réglées, elles sont rendues à la vie normale, à laquelle elles sont totalement inaptes. Bien souvent, les parents ne souhaitent pas les reprendre. Et il leur est difficile de trouver un mari, puisque la croyance veut que cela porte malheur d'épouser une ancienne kumari. 
Aujourd'hui, sous la pression d'ONG, elles ont droit à un semblant d'éducation pour "préparer" leur retour à la vie.

Il n'en reste pas moins que ces petites filles, à qui personne n'a jamais demandé leur avis, ne mèneront jamais une existence normale d'adulte.J'espère que Matina Shaky, la kumari déchue, s'en sortira. Elle a 12 ans. 


Il y a 8 ans, donc, je me rappelle de la fascination que j'ai ressentie à la lecture de l'article de journal. Immédiatement, j'ai ressenti le besoin d'écrire un roman sur le sujet. 
Ce furent plus de 4 mois de recherches documentaires en tous genre, puis 1 mois d'écriture intense, qui remplit mon appartement lyonnais d'effluves d'encens, de poussière ocre et de bruits de drapeaux bouddhistes claquant au vent. Une période très forte. 

Le Carnet rouge est ressorti cette année en poche (Casterman), et c'est donc aujourd'hui l'occasion d'en parler...et de le lire, de 13 à 81 ans ! 






[...]

C’était un matin de septembre semblable à tous les autres. La mousson ponctuait la journée de pluies saccadées. J’avais 14 ans.Alors que je me dirigeais dans la salle des audiences, j’ai senti quelque chose couler le long de ma cuisse. Je me suis retirée derrière un paravent brodé et j’ai soulevé mes robes. J’ai fixé le filet sombre pendant plusieurs secondes, sans comprendre. Puis j’ai réalisé que c’était le sang, le sang qui allait tout bouleverser.Je me suis demandée ce qui allait m’arriver. Qu’avait-on prévu pour les anciennes Kumaris ? Retournaient-elles dans leurs familles ? Allaient-elles dans une maison spécialement dédiée  aux anciennes déesses ? Je n’étais pas inquiète : on me vénérait, j’étais celle qui reconduisait le Roi et assurait la pérennité du Royaume. Rien de désagréable ne pouvait m’arriver. 

C’est là que je me trompais. Je n’étais pas une divinité, je lui prêtais simplement mon enveloppe corporelle. Elle m’utilisait. A la première goutte de sang versé, la déesse m’avait abandonnée,  pour s’incarner dans une nouvelle petite fille qu’on adulerait à ma place.
Dès que les prêtres apprirent l’apparition de mes menstrues, ils se mirent en quête d’une nouvelle Kumari.
Le lendemain, dès l’aube, on me reconduisit chez moi, toujours portée mais cachée des yeux de la foule. Nous cheminions dans les rues sombres et sales, traversant l’air humide et figé, sous les caquètements de quelques poules chétives. Ma tête était vide, ou à l’inverse trop remplie d’interrogations sur cet inconnu qui s’ouvrait devant moi.
Pour l’occasion, toute la famille s’était réunie devant la maison. Mes parents paraissaient à la fois émus et intimidés. On me fit descendre de ma chaise à porteur. Pour la première fois depuis dix ans, je posai le pied sur le sol. J’en fus écœurée.
Ma mère hésita avant de me prendre dans ses bras. Son étreinte me laissa froide. A part les quelques fois où elle avait été autorisée à me rendre visite, je ne l’avais jamais vraiment côtoyée. Je ne la connaissais pas.


 [...]

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