BREAKING NEWS

! BREAKING NEWS ! Je quitte la Martinique à l'été 2022. N'hésitez pas à me solliciter pour programmer des rencontres dès la rentrée, je serai enchantée de vous retrouver !

vendredi 30 janvier 2015

M*E*R*C*I

Hier, j'ai reçu dans ma boite mail une collection d'adorables message en provenance des élèves de l'International School of Bruxelles (un établissement digne des campus américains les plus en pointe). 

ça, c'est juste l'entrée !
Tout le reste se passe derrière....avec des installations et des bâtiments dernier-cri, pour les élèves de 2 à 19 ans ! 





Avec leur accord, je me permets de les reproduire ici.
Merci encore à tous, j'ai été extrêmement touchée par votre initiative et par vos retours sur mon intervention. C'est la première fois que l'on me laisse entrevoir mon discours, du côté de ceux qui le reçoivent. Je suis très heureuse de vous avoir parue authentique et sincère, de vous avoir montré qu'il fallait oser, et que relever des défis nous permettait de grandir à l'intérieur de nous-même. 

Et bien sûr, merci aussi à ceux qui m'ont dit que j'étais jolie, fu fu fu. 


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Un petit bonjour de la Belgique froide et grise,

Après votre passage à l’école internationale, mes étudiants, encore sous le charme de votre venue, ont voulu spontanément ( C’ est vrai !) vous dire leur admiration.

Voilà leurs messages,  très sincères. Ils rêvent tous encore du paradis dans lequel vous vivez.

Merci encore d’ avoir fait passer un message de sincérité et de beauté.







Bonjour Madame Heurtier,

Je suis une personne qui ne lit pas beaucoup et j’apprécie un livre très rarement. Cependant, Sweet Sixteen me prouve le contraire. J’ai commencé ce livre en lisant 10 pages par jour comme un devoir pour l’école. Pourtant, je me suis vite trouvé à vouloir tourner la page d’après sans même avoir commencé la page d’avant tellement je l’appréciais et voulais savoir ce qui allait se passer. Ce livre a fait d’une pierre deux coups car non seulement le livre nous informait sur le fait réel qui s’est passé à Little Rock mais l’histoire personnelle des personnes était géniale aussi.

Cordialement,
Hector




Chère Mme Annelise Heurtier,

Votre visite a été très intéressante et nous avons infiniment apprécié que vous vous soyez déplacée jusqu’ici pour nous faire partager votre expérience.

Vous nous semblez être une personne déterminée pour réaliser ce dont vous avez envie et pour suivre et atteindre vos rêves. Même si le processus d’écriture est long et parfois décourageant, vous avez continué à passer au travers et à réaliser vos idées. Après vous avoir rencontrée, nous nous sommes rendus compte de la complexité de ce que vous faîtes, et du peu de temps dont vous disposez. On aimerait juste vous remercier du temps que vous nous avez consacré pour partager votre histoire et votre passion.

Merci beaucoup,
Cristina B., Cristina R. et Caroline




Chère Annelise Heurtier,
Nous n’avons que des compliments sur votre présentation. Vous êtes quelqu’un de très passionnée par ce que vous faites et cela s’entend dans la manière dont vous parlez de vous et de votre vie. Tout ce que vous nous avez raconté sur vos métiers divers et vos choix dans la vie sont des histoires passionnantes et nous inspirent. Nous vous trouvons hors du commun et nous avons beaucoup apprécié vos explications et votre présentation en général.
Merci,
Daphné et Philippine



Bonjour Madame Heurtier,
Avant votre visite, nous avons eu des idées préconçues sur qui vous étiez et à quoi vous ressemblez. Nous avions étés agréablement surprises par votre carrière et par votre soudaine envie d’écrire. Nous sommes admiratrices  de votre parcours et le message que vous nous avez transmis: la liberté de vivre et de faire ce qu’on veut. Merci de nous avoir transmis votre savoir- faire et d’avoir pris le temps de venir nous présenter votre livre.
Merci,
Sanna et Caroline K




Chère madame Heurtier,
D’abord, merci beaucoup d’être venue rendre visite depuis Tahiti. Quand vous êtes venue, ça nous a surprises de vous voir en réalité, ça nous a étonnées  que vous soyez  si belle et jeune, car on s’attendait à voir quelqu’un de plus âgée. La façon dont  vous avez parlé du livre nous a éclaircis sur le livre, et l’histoire qui est derrière. Votre roman a été un coup de cœur pour tous. Ça nous amusez qu'il y avait deux perspectives qui nous ont appris énormément sur l’histoire qui hante l’Amérique depuis si longtemps. On a hâte que vous écriviez de nouveaux romans!
Calliste et Lena





Bonjour Madame Heurtier,

Nous avons beaucoup apprécié votre visite et votre roman. On a trouvé que vous étiez particulièrement intéressante sur le fait de n’être pas attaché à un mode de vie spécifique. Vous avez fait tellement de choses intéressantes et semblez vraiment enthousiaste de partager vos découvertes et vos histoires.  Vous arrivez à vous engager pas seulement en relation client-vendeur avec votre public mais sur un niveau plus profond.  On voudrait vous remercier profondément d’avoir partagé vos expériences et vos pensées avec nous.

Merci infiniment de votre temps,
Diane Dupré et Philippine Duplat





C hère  M adame  H eurtier,
60 années auparavant, 9 étudiants noirs se sont apprêtés pour entrer dans un lycée de blancs.  Le janvier, 2015: vous vous êtes assise devant moi, et vous avez parlé librement devant un ensemble de personnes de toutes nationalités.  lisant votre livre,  j’ai réalisé combien le monde a changé.   J’ai beaucoup apprécié votre choix du sujet, qui m’a beaucoup touchée.  En vous rencontrant, j’ai été fascinée par votre histoire, et comment vous êtes devenue ‘écrivaine’.  Ça m’a ouvert les yeux, puisque j’ai réalisé que tout le monde pouvait devenir un écrivain publié, et que l’on ne doit pas forcement faire des études professionnelles pour atteindre ce but  – quelque chose je croyais être une vérité.  Vous m’avez inspirez à écrire, et peut- être à publier quelque chose quand je serai adulte, puisque en vous rencontrant, j’ai vraiment compris que tout le monde pourrait arriver à faire cela, et qu’il faut simplement avoir une bonne idée, et du courage.
Merci beaucoup,
Tasneem Amijee
                                   
                              

Chère Madame Heurtier,

Je voulais vous dire combien j’ai apprécié votre sincérité rafraichissante. Personnellement, je trouve qu’aujourd’hui, énormément d’auteurs se battent pour la reconnaissance en recréent une légende autour de leur écriture, qui les rendent différent des autres. D’un autre côté, certains travaillent une personnalité «publique », démontrant une insécurité concernant leur vie quotidienne, qui ne leur plaît peut-être pas.  Ils se revêtent d’un nouveau plumage, ayant l’intention de paraitre intéressement différant, mais ceci agi au contraire. Vous n’avez pas ce « alter-ego » publique- vous paraissez authentique- et nous, votre audience, en avions beaucoup profité. Avec une modestie et sincérité frappante, vous ne retombez pas dans cette catégorie, et votre livre, que j’ai beaucoup apprécié, le reflète favorablement. Je vous remercie donc d’avoir partagé votre passion avec tant d’enthousiasme, et j’attends vos futurs romans avec intérêt.

Merci,

Frédérique Oerlemans



Chere madame Heurtier,

Je vous remercie chaleureusement pour votre visite a l’école il y a quelque temps. J’ai vraiment aimé votre livre qui m’a appris énormément de choses sur la ségrégation aux Etats-Unis. J’ai trouvé que vous aviez une façon intéressante de raconter le contexte de l’écriture de votre livre, et j’ai beaucoup appris sur la vie d’un auteur. Votre vie d’auteur à Tahiti nous donne envie d’être comme vous aussi libre et créative. Encore une fois merci d’avoir pris la peine de venir dans notre école; nous ne nous sommes pas ennuyés un instant!

Agathe et Thomas




Chère Madame Heurtier

J’ai été très content de vous voir et de vous écouter parce que je vous imaginais plus compliquée mais en fin de compte vous étiez très simple et vous aviez une histoire complexe dans le sens que vous êtes très passionnante. Je vous imaginais beaucoup plus vieille mais quand je suis rentré, j’ai vu une femme ravissante avec une voix forte. J’ai lu “Sweet Sixteen” et quand je vous entendais vous aviez une voix similaire à celle de Grace. Je suis enchanté que vous soyez venue nous voir.  

Merci                                                                                       Loïc Dondeyne




Bonjour Madame Heurtier,

Votre speech pendant la visite à ISB nous a tellement marqué qu’on a décidé de vous écrire en ce jour. J’ai été très heureux de vous rencontrer car j’ai pu entendre une discussion très élaborée par rapport à votre roman “ Sweet Sixteen”. Le roman m’a touché car je suis très intéressé par le sujet de la ségrégation dans l’histoire américaine, particulièrement à Little Rock. Votre décision d’écrire un roman qui n’a jamais été fait est très courageuse et originale. Je vous remercie de votre visite et je serai très content quand votre prochain roman sort.

Merci,
Inigo et Steve



Chère Mme Heurtier,

Votre livre, Sweet Sixteen, a changé notre point de vue sur la ségrégation et nous a éduqués pour mieux comprendre la situation historique. Je trouve que les personnages de Molly et Grace, et surtout celui de Grace, montrent que la ségrégation n’était pas un problème simple, mais quelque chose de plus complexe. Votre livre nous a  aussi montré que tous les ‘’blancs’’ de l'époque ne détestaient pas les “noirs’’, et que beaucoup étaient compatissants et pleins d’empathie comme Grace. Je voudrais vous remercier d’être venue présenter à notre école.  Votre présentation nous a beaucoup plu et nous étions très intéressés d’apprendre tout ce que vous saviez.
Merci beaucoup d’être venue,

Anya et Pablo




Annelise Heurtier,      
                                  
Bonjour, nous avons bien apprécié que vous ayez  consacré un peu votre temps pour nous expliquer comment vous avez écrit vos romans. Merci d’avoir répondu à nos questions sans hésitation et avec beaucoup de détails. Grâce à votre présentation,  vous nous avez éclaircis sur l’écriture de vos romans et votre vie d’auteur. Aussi, grâce à votre roman « Sweet Sixteen »  vous nous avez beaucoup appris sur le sujet de la ségrégation en Arkansas.  Je trouvais que l’histoire était bien écrite et je trouvais que,  d’avoir écrit  le roman avec les deux points de vue, d’une “blanche et d’une noire”, on a pu voir quelles étaient les pensées des deux communautés. Merci encore d’être venue et j’espère que vous continuerez à écrire des romans aussi intéressants.

-Anatole et Galien



Chère madame Heurtier,

C’était un immense plaisir de faire votre connaissance, nous nous sentions très chanceuses que vous ayez fait le trajet de Tahiti jusqu’ici, et nous avons beaucoup apprécié votre visite. C’était intéressant de voir le processus de création de Sweet Sixteen. Le roman est un vrai coup de coeur. Nous avons beaucoup apprécié la façon dont vous avez utilisé le point de vue de deux personnages pour raconter des évènements historiques. On pouvait vraiment voir des perspectives très différentes. On vous remercie pour votre visite.

Meilleurs vœux,

Annelore et Douceline.





Chère Mme Heurtier,

Tout d’abord, je voulais vous remercier pour votre passionnante présentation, et pour avoir parcouru 16000 km de Tahiti à Bruxelles. Quand j’ai lu votre livre, Sweet 16, j’ai pensé que l’auteur, une personne qui pouvait expliquer un évènement si complexe avec un style assez simple, devait être quelqu’un qui était très passionné par l’histoire. Mais après avoir assisté à votre présentation, j’ai réalisé tout ce qu’il fallait pour écrire un livre aussi bon que le vôtre était un auteur très talentueux, comme vous. J’ai trouvé que votre histoire, et votre processus d’écriture, étaient tous les deux très prenants. Finalement,  je voulais vous dire que  je vous trouve très courageuse pour avoir déménagé à Tahiti et que je connais la difficulté de vivre dans un pays étranger même si c’est souvent une expérience gratifiante. Je tiens à vous remercier encore une fois d'être venue et de nous avoir raconté votre histoire captivante.

Theo Schmidt


mercredi 28 janvier 2015

Teasing !

Voilà la (très belle) couverture de Refuges, un roman qui sortira prochainement aux éditions Casterman. Il est à lire à partir de 14 ans ! 








Voici le résumé qui figure au dos : 



Mila, une jeune italienne, revient sur l'île paradisiaque de son enfance, espérant y dissiper le mal-être qui l'assaille depuis un drame familial.
Très vite, d’autres voix se mêlent à la sienne. Huit voix venues de l'autre côté de la Méditerranée qui crient leur détresse, leur rage et la force de leurs espérances.  

Un roman envoûtant qui, depuis la lointaine Erythrée jusqu’à Lampedusa, invite à comprendre et à garder les yeux grands ouverts.




Ainsi que quelques extraits piochés ça et là ! 



Mila abandonna son sac à dos sur le lit. La chambre n’était éclairée que par les rais de lumière filtrant à travers les persiennes ajourées et à part le refrain étouffé des vagues se brisant sur les falaises, aucun bruit ne venait bousculer la pénombre.
Cela faisait si longtemps qu’elle n’était pas revenue sur l’île.
Six ans. Il fallait savourer ce moment.
Mila prolongea l’attente en ondulant ses doigts à travers l’un des sillons clairs pailletés de poussière. Les minuscules particules en suspension s’affolèrent, comme une colonie de fourmis chahutée par un gamin curieux.
Elle inspira profondément et d’un coup sec, ouvrit en grand les persiennes.
L’éclat platiné de la mi-journée s’engouffra brutalement. Mila plissa les yeux et détourna la tête.
[...]







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[...]
À bien y regarder, les meubles étaient de facture très modeste. Les couleurs du couvre-lit étaient défraichies, le cannage de la chaise abimé et la poupée qui y était installée avait les cheveux crépus et emmêlés. Sous ses pieds, le tapis de coton était usé jusqu’à la corde, par endroits.
Mila avala sa salive. Ses souvenirs contrastaient avec l’atmosphère surannée qu’elle retrouvait aujourd’hui. On aurait dit que la chambre avait … fané. Tout semblait vouloir lui rappeler que les années passées - dans lesquelles elle se réfugiait souvent en pensées, à l’époque tout allait tellement mieux - ne pourraient plus être rattrapées.
Mila balaya sa déception et s’approcha de l’étagère sur laquelle s’alignaient quelques livres d’enfants. Elle fit courir ses doigts sur les dos abîmés, jusqu’à ce que l’un d’entre eux agrippe son regard : une vieille édition de Cendrillon, illustrée par Roberto Innocenti. Elle fit basculer l’ouvrage pour examiner la couverture, qui réveilla des souvenirs enfouis. Des impressions plus que des images : le poids rassurant des bras de sa mère autour des siens, les modulations de sa voix au gré des personnages.




[...]


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[...]

C’est à ce moment là qu’ils sont arrivés.
Dans mon souvenir, ils étaient vingt ou trente. Mais j’imagine qu’en réalité, ils devaient être une dizaine tout au plus, comme pour les autres
giffa[1] que j’ai vécues par la suite.
Précédés par le martèlement de leur pas, ils sont entrés dans la salle, AK-47 au bras. Leurs vociférations mécaniques ont envahi l’espace, je les entends encore résonner dans ma tête, ricocher sur les vieux murs avant de venir s’engluer sur le linoléum poisseux. Dans le bar, tout le monde s’est levé comme un seul homme. On aurait dit ces groupes de moineaux qui, au signal invisible et muet qu’il leur est mystérieusement donné, s’envolent tous dans la même direction connue d’eux seuls.



[1] Rafle





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[...]
Les soldats m’ont embarquée pendant la cérémonie du café. Nous venions à peine de commencer.
Assise sur le sol, ma tante faisait griller les grains verts sur le
menkeshkesh, le petit poêle utilisé à cet effet. L’odeur du café se mêlait à celles des feuilles d’eucalyptus et de la poudre d’encens que l’on avait mis à brûler à côté. Les yeux fermés, je me laissais bercer par les discussions des femmes.
Quand j’ai entendu le grondement de la jeep, j’ai su que c’était pour moi.
Il y a des moments où vous sentez que tout bascule. L’instant d’avant, le ciel est dégagé, à peine parcouru de quelques nuages blancs qui filent sous votre nez. Et puis, d’un seul coup, sans que vous n’ayez rien vu venir, le ciel s’est transformé en forteresse de nuages.
Je me suis levée d’un bond, j’ai renversé la
jebena[1] et le plat en terre cuite, les embabas ont volé sur le sol, petites boules blanches de maïs soufflé, comme autant de fleurs sucrées que personne ne mangerait. J’ai foncé en direction de la porte d’entrée. Je savais que c’était inutile, mais je ne voulais pas me laisser attraper sans lutter.
Dans le fourgon, il y avait cinq autres jeunes de mon âge. Je n’ai plus jamais bu de café.


[...]



[1] Récipient en céramique utilisé pour la cérémonie du café (éthiopie, soudan, érythrée)



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[...]
Au bout de huit mois, mon ventre n’avait toujours pas enflé. J’ai pensé que cet imbécile n’avait pas ce qu’il fallait pour faire pousser les enfants dans le corps des femmes.
J’ai couché avec d’autres garçons. Dix, vingt, cinquante. Je les choisissais de préférence loin de chez moi, aussi loin que mon laissez-passer m’y autorisait, pour ne pas attirer le déshonneur sur la maison de mon oncle, loin aussi des barrages des soldats, pour ne pas me faire repérer. Au fond, j’aurais pu devenir la pute du village que je n’en aurais pas eu honte. Et puis je n’étais pas la seule à en être réduite à ce genre d’extrémités.
J’avais  développé une espèce de manie qui, tous les vingt-huit jours, me faisait vérifier du bout des doigts et sans que quiconque ne s’en aperçoive, que le sang n’était pas là. Chaque jour sans couleur me remplissait d’un espoir jamais découragé, jusqu’à ces matins, ces après-midis ou ces nuits où je sentais le malheur, la rancœur se répandre entre mes cuisses.
Mon ventre est resté sec comme un arbre mort.
[...]



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[...]
Dans le désert, tu pries. C’est tout ce qu’il te reste.Il n’y a plus de jours, plus de nuits. Plus d’avant, plus d’après. Plus de pays. Au Soudan ou en Libye, le Sahara reste le même. Que tu viennes d’Erythrée, de Somalie ou d’Ethiopie, que tu aies douze ou quarante ans, ta réalité se limite désormais à ces trois mètres carrés dans lesquels tu t’entasses avec trente autres migrants. L’arrière d’un Land Cruiser cabossé.
Tu le connais par cœur, cet univers. Les trous sur la banquette de velours élimé, dans lesquels tu peux glisser ton doigt pour sentir la mousse qui se délite. La cabine qui a été enlevée, pour gagner un peu d’espace sur les côtés. Les petites gravures ça et là, sur le plastique ou sur la tôle, comme des traces laissées par ceux qui ont tenté leur chance avant toi. La peau des autres contre tes bras. Leur souffle chaud, les plaintes ou les mots âcres qu’ils lâchent parfois. Le clapotis de l’eau qui se brise contre les parois du jerrican,  petite mer agitée - une mer coupée d’essence, pour que personne ne soit tenté d’en boire trop. L’odeur aigre, poisseuse, animale, dont tu ne sais plus si elle t’appartient ou pas et qui ne te dérange plus depuis longtemps. Le gémissement du moteur quand il patine, « descendez, il va falloir pousser ». La lueur des phares d’un 4x4 et l’harmonie parfaite de trente cœurs qui s’emballent de terreur. Si ce sont des trafiquants, qu’est-ce qu’ils prendront ? L’argent, nos yeux, nos reins ?
Le sable qui s’insinue partout. Les yeux qui brûlent, la gorge dont les parois te semblent être devenues de bois. La fournaise de la journée qui te fait languir de la nuit. Le froid de la nuit qui te fait languir de la journée. Les formes desséchées que tu voudrais ne pas regarder mais sur lesquels tes yeux accrochent tout au long du chemin. Le chapelet que tu égrènes entre tes doigts, Seigneur Tout Puissant, faites que je ne sois pas le prochain.
Si la dune est trop raide, monter à pied.
Si un passager meurt, le jeter par-dessus bord.
Au bout du quatrième, tu n’y es toujours pas habitué. Et tu te fais horreur, parce que tu viens de penser que désormais, tes trois mètres carrés te semblent légèrement moins étriqués.

[...]







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[...]
Gebriel est assis à l’avant, giflé par l’eau et le vent. Il parait serein, Gebriel. Forcément, c’est lui qui a insisté pour choisir ce passeur. Et puis de toute façon, Gebriel est toujours optimiste. Parfois, je l’envie. Mais je me demande quand même s’il a tout bien là où il faut, ce con-là.
Amir conduit le Zodiac. C’est comme ça qu’il a fini de payer sa traversée. Il nous a juré qu’il avait déjà piloté des barques à moteur, en Erythrée, il a intérêt à dire vrai. Pour 500 dollars de plus, le passeur nous a filé un GPS et un téléphone portable. Ça, moi, je sais m’en servir, mais Amir, il a voulu les garder avec lui. S’il nous plante, je le jure, je lui pète la gueule avant de mourir. Rien à foutre qu’il ait à peine trois poils sur ses guiboles de gosse.
Le soleil luit sur écailles de la mer. On dirait du métal. Pour un peu, je pourrais presque trouver ça beau. Si je pouvais être sûr qu’on va s’en sortir. Si je n’étais pas Awat, qui depuis qu’il est né, tente de sauver sa peau.
[...]



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[...]
L’orage qui s’annonce est une créature terrifiante. C’est le père du Mokelé-mbembé et de tous les autres monstres qui hantent les plaines et les déserts d’Afrique. Il nous a poursuivis jusqu’ici. Il ne voulait pas que l’on s’enfuie du pays. Restez chez vous, même si vous devez en crever. Restez chez vous, ou bien vous crèverez ! J’entends sa respiration lourde, son cœur qui palpite. Il rumine. Il mûrit lentement. Il prend son temps, il attend le moment. 
Ce foutu bateau en plastique va se faire déglinguer et nous, on va se faire éjecter comme des graines de meshalla mises à griller.
Je me plaque contre le renflement du caoutchouc, j’ai besoin de sentir quelque chose de dur, de connu. Je ferme les yeux sur le ciel qui se résout en pluie.

[...]

jeudi 22 janvier 2015

Bande -annonce !

Aujourd'hui, j'ai envie de mettre à l'honneur le travail de Jérémy, Pierre et Julien, en quatrième numérique au collège de Sèvres.

Par groupe de deux ou trois, les élèves devaient choisir un livre portant sur un thème de société. Après en avoir rédigé une critique papier, il s'agissait ensuite d'en réaliser la bande-annonce. Ils ont choisi Sweet Sixteen ! 

Vous pouvez visionner leur travail, très abouti, ici : 

https://www.dropbox.com/s/tmsehul5x5jzav4/Bande%20Annonce.MOV?dl=0


Je leur dis un grand bravo ! Et surtout, merci de l'avoir partagé !